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Une femme photographe sur la route de Sao Tomé.

Après avoir porté famille, projet, corps, j’ai décidé de partir, fuir, fuguer …
 
Cette idée m’a renvoyé à ces hommes qui abandonnent leurs enfants pour vivre leur vie.
 
Mais pour moi, il s’agissait surtout d’un profond besoin de temps suspendu, seule, sans obligation, sans devoirs, sans nécessité si ce n’est celle de se nourrir et parfois de se laver.
 
Partir seule avec mon appareil, mon réflex, mon Nikon, mon ami.
Et repenser à cet article paru dans les Grenades sur les femmes qui voyagent seules
Et relire cette phrase de Lucie Azema,( autrice du livre Les femmes aussi sont du voyage” -2021):
  
“Les femmes sont depuis des millénaires des êtres d’intérieur. Nous avons une histoire de l’enfermement très ancienne, que ce soit au sein du foyer ou encore dans les couvents” elle poursuit avec “voyager, c’est sortir et prendre l’espace public. Voyager, c’est être libre d’aller et venir. C’est une émancipation au sens littéral du terme”.
Lucie Azema
Les femmes aussi sont du voyage - 2021

Je suis dans l’axe.

Je comprends ce besoin de respirer, de marcher vers… »Ce lieu à soi”

Mais une maman solo comme moi n’aurait pas pu partir sans le soutien de sa maman solo avant elle. Quoi de plus profond, sans dire mots, qu’un partage de vécu entre mère et fille, il n’y avait qu’elle pour comprendre et la magie a voulu qu’en plus elle m’offre l’aide logistique et le soutien financier et je l’en remercie.
 
Sao Tomé comme choix, un peu par hasard, au détour d’une conversation lors du premier confinement avec cette phrase d’une amie:
« Regarde comme on serait bien ici ».
 
J’ai observé cette île, qui en plus d’être l’un des plus petits pays africains est aussi l’un des plus pauvres. Observer d’un œil, sur les réseaux, et voir ses plages, son sable, sa pêche, ses tortues….ouvrir le second et décider d’y aller, simplement car observer sur internet, insta ou Facebook n’est pas vivre.
 
Pendant la préparation du voyage j’ai vécu de nombreuses vagues d’émotion entre période de doute et sensations euphorique à l’idée de “liberté”.
J’ai entendu des exclamations:
« Quoi tu vas partir seule?”
“Mais tu ne parles pas portugais?”
“Et comment vas- tu vas faire là bas?, tu n’y es jamais allée ?”
“Et tes enfants ?”
Elles venaient du dehors mais aussi du dedans.
Des mots aliénants qui parvenaient à saupoudrer d’acide mes failles, ma notion d’abandon et questionnaient mon rôle de mère.
A ce stade, il n’y avait pourtant que deux chemins, y aller et le vivre ou rester et l’espérer.
Mes besoins de solitude et de légèreté ont pris le dessus.
La nécessité d’être autre chose qu’une mère, gestionnaire, épuisée H22.
 
Partir, photographier et être.
Les échanges avec des femmes photographes de l’ASBL ont, à ce moment-là , pris encore plus de sens. Etna revenait du Mexique et Cécile se préparait à partir au Bénin.
 
Des représentations de force et d’énergie transmises pour le goût du voyage en solitaire.
Il me restait quand même au fond du panier toutes sortes de questions et de peurs, des plus complexes au plus intimes mais j’y suis allée, il n’y avait plus à faire marche arrière.
Dans l’avion et pas que, les larmes me sont montées.
 
Mais avancer, découvrir, parler et photographier me permettait d’aller chaque jour plus loin. Sur cette route j’ai rencontré plusieurs voyageurs et voyageuses solitaires.
 
Les voyageuses étaient principalement blanches, plus âgées, divorcées ou fraîchement séparées, avaient un ou des enfants jeunes adultes et une carrière achevée dans des fonctions d’un niveau social aisé.
 
Je compris que j’étais une exception sur ces routes fréquemment empruntées par des femmes (selon Overseas Adventure Travel (OAT), agence de voyages leader dans le monde, il semblerait que les femmes soient plus enclines que les hommes à voyager seules). Cela représentait aussi assez bien où il est nécessaire d’arriver pour pouvoir en tant que maman solo espérer un certain repos, un brin d’évasion.
 
Des constatations qui ont renforcé mon attachement et ma fiertée d’être femme, “mulâtre” , maman solo de 43 ans et photographe au milieu de nul part l’appareil en main.
 
Arrivée, j’ai en effet découvert les nombreuses belles plages partagées par les instagrameurs et instagrameuses mais j’ai aussi vécu un pays rempli de chiens errants blessés, fatigués, affamés, de maisons bricolées et de gens qui vivent de petit “cop” pendant que le politique s’enrichit de donation et de tourisme.
 
Rien de neuf me direz vous,…
 
Et bien si, pour moi ce contraste, ces images que nous faisons parler à notre guise sur les réseaux sociaux font rêver et croire à un paradis qui n’a que de paradis que l’une de ses faces, celle qui se monétise.
 
Appareil en main je ne voulais pas ramener des visages des gens prises à la volée dérangée par nos notions du droit à l’image et de tout ce que nous mettons en place pour la protéger. Je photographiais les plages, les paysages et questionnais à nouveau ce que j’allais partager à mon retour, au fond je ne savais alors pas par où prendre le bout de ma démarche photographique. Je savais ce que je ne voulais pas, enrichir un superflu superficiel ou soutenir un appauvrissement visuel de cette Afrique riche de tout sauf de nous.
 
Je ne voulais ni montrer “ces pauvres enfants” ou “ces simples maisons” et soutenir l’idée du “on est mieux ici”ou celle du “quelle vieille baraque” en bref je ne voulais pas soutenir un regard “Pays dit développés vs les autres”.
 
Ce n’est qu” en rentrant, posée sur mes images, que j’ai vu mes lignes photographiques, celles que je vous partage aujourd’hui et qui parleront de moi, de l’intérieur, de la lumière, des textures, des ouvertures et de ces chiens, enfin de compte, elles parleront de mon voyage à Sao Tomé.
 
Nafi

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